"Les drogues provoquent des comportements irrationnels chez ceux qui n’en consomment jamais." Cette phrase attribuée au gourou californien du LSD, Timothy Leary, pourrait servir d’épigraphe au Dictionnaire rock, historique et politique des drogues d’Arnaud Aubron, Drogues Store. Nouvel opus d’une collection prometteuse lancée par les éditions Don Quichotte l’année dernière, cet essai aux allures encyclopédiques cherche à désenfumer les fantasmes les plus courants sur les drogues. On serait tenté d’y voir à première vue la caricature du livre écrit par un bobo parisien – tout nouveau directeur du développement des Inrockuptibles - nostalgique de ses années de défonce pour une génération accro à l’electro et aux pilules du bonheur. Il n’en est rien. Cette tentation s’éloigne dès l’avant-propos qui traduit la volonté de traiter sérieusement, sans fascination ni préjugé moral un sujet qui nous concerne tous.
Le parti pris d’Arnaud Aubron est en effet relativement simple. Si l’on veut s’intéresser aux drogues sans dogmatisme, il faut s’intéresser aux pratiques et non aux interdits. "La différence fondamentale entre un alcoolique, un accro aux antidépresseurs et un héroïnomane ne tient pas à la nature chimique des produits qu’ils consomment mais au fait que la société a, pour de plus ou moins bonnes raisons, décidé que deux de ces psychotropes étaient légaux, tandis que le troisième ne l’était pas." (p.16) Et de rappeler que le XXe siècle a été une gigantesque machine de production et d’ingestion de psychotropes, notamment en temps de guerre, dans un contexte d’industrialisation massive. La mise en place progressive d’un système de prohibition a ensuite changé la signification sociale des drogues, pour en faire à la fois un instrument de subversion, un facteur géopolitique déterminant et un des marchés les plus prospères pour toutes les mafias du monde.
Ce dictionnaire se compose de tendances entremêlées qu’on peut départager ainsi : l’explosion des drogues sur la scène économique, géopolitique et culturelle au XXe siècle – à renfort de portraits passionnants de narcotrafiquants mondialisés, de militants anti-prohibition ou "d’acteurs de la répression" -, le drogues store à proprement parler, où l’on apprend la composition et les effets des principales drogues ou médicaments de substitution sur le marché, et les débats de société autour de la circulation des drogues.
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