• la construction des classes dangereuses

    La construction des classes dangereuses

     
    Pierre Tevanian

     

    Lorsqu’en juillet 2001, Jacques Chirac, au plus bas dans les sondages, et mis en cause dans de multiples affaires de corruption, voulut se « remettre en selle » pour l’élection présidentielle d’avril 2002, que croyez-vous qu’il fît ? Il usa, souvenez-vous, d’une stratégie déjà fort ancienne et usée jusqu’à la corde, mais toujours efficace : un discours apocalyptique stigmatisant une « explosion » de la violence et de l’insécurité et préconisant « l’impunité zéro ». L’histoire se répète aujourd’hui de manière troublante, à ceci près que son successeur est encore plus bas dans les sondages, que la corruption du système Sarkozy est encore plus profonde et patente que celle du système Chirac, que le président entre en campagne un an plus tôt et que sa rhétorique « sécuritaire » va encore plus loin dans le mensonge et l’abjection – jusqu’à assumer, dans son plus simple appareil lepéniste, l’incrimination directe et explicite des immigrés et la réhabilitation des solutions vichystes (comme la dénaturalisation). Bref : la situation est suffisamment préoccupante pour qu’on revienne sur les fondements du consensus sécuritaire qui rend possible les actuelles surenchères.

    Il existe depuis au moins dix ans un consensus sur « l’explosion de la violence chez les jeunes de banlieue » et sur le « laxisme de la justice » face à cette violence, ou du moins sur son « inadaptation » aux nouvelles générations de délinquants. Plutôt que de dénoncer au coup par coup les mesures de plus en plus brutales qui sont prises depuis plusieurs années au nom de ce discours, il vaut mieux prendre le problème à la racine et déconstruire ce qu’il faut bien appeler le mythe de l’insécurité. Il est en effet crucial de ne pas céder sur ce point : l’insécurité telle qu’elle est problématisée dans le débat public est un mythe. Il est indispensable de ne pas rallier, comme l’ensemble de la classe politique l’a déjà fait de longue date sur « le problème de l’immigration » [1], le postulat faussement « réaliste » selon lequel « le problème de l’insécurité » est une « vraie question » – ce qui nous condamne à ne critiquer que les « réponses » les plus ostensiblement « antirépublicaines » des démagogues qui nous gouvernent. Il faut enfin résister au discours d’intimidation désormais omniprésent selon lequel quiconque met en doute la réalité des diagnostics catastrophistes est nécessairement « angélique », coupé des réalités en général et des classes populaires en particulier.

    Car le « problème de l’insécurité » est bel et bien un mythe, même si – comme tout mythe – il mobilise des éléments de vérité, en particulier des faits divers dramatiques : ce qui est est mensonger est la manière dont ces faits divers sont présentés, mis en scène, coupés de leur contexte et réinterprétés. C’est ce que s’efforcent de montrer les sept remarques qui suivent.

    suite site source:http://sociologias-com.blogspot.com/2010/08/accueil-du-site-des-mots-importants.html


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