• "ce qui doit etre dit"

    Dans un poème paru dans le Süddeutsche Zeitung, La Reppublica et le New York Times, l'écrivain allemand Günter Grass s'inquiète des intentions d'Israël de frapper préventivement l'Iran sous prétexte que la république islamique développerait la bombe atomique. Avec ce texte, le lauréat du prix Nobel de littérature s'est attiré quelques critiques, l'accusation d'antisémitisme ne ratant pas une fois de plus. Dans un article publié également sur notre site, David Cronin revient sur les raisons de cette polémique. (IGA)

     

     
    Pourquoi je ne dis pas
    pourquoi ai-je tu pendant trop longtemps
    ce qui est pourtant évident
    et a fait l'objet de tant de simulations
    dans lesquelles nous, les survivants,
    sommes au mieux des notes de bas de page.

    On évoque le droit à une frappe préventive,
    l'éradication du peuple iranien soumis,
    tenu à une liesse sans joie par un fort en gueule,
    sous prétexte que ce potentat construirait une bombe atomique.

    Mais alors, pourquoi m'interdis-je
    de nommer cet autre pays
    qui dispose depuis des années,
    certes dans le plus grand secret,
    d'un potentiel nucléaire croissant
    et échappant à tout contrôle,
    puisque aucun contrôle n'est permis ?

    Le silence général autour de ce fait établi,
    ce silence auquel j'ai moi-même souscrit,
    je le ressens comme un mensonge pesant,
    une règle que l'on ne peut rompre
    qu'au risque d'une peine lourde et infâmante :
    le verdict d'antisémitisme est assez courant.

    Mais aujourd'hui, alors que mon pays
    coupable de crimes sans commune mesure,
    pour lesquels il doit rendre des comptes encore et encore,
    mon pays donc, dans un geste purement commercial,
    certains parlent un peu vite de réparation,
    s'en va livrer un nouveau sous-marin à Israël,
    un engin dont la spécialité est d'envoyer
    des ogives capables de détruire toute vie
    là où l'existence de ne serait-ce qu'une seule
    bombe nucléaire n'est pas prouvée,
    mais où le soupçon tient lieu de preuve,
    je dis ce qui doit être dit.

    Pourquoi me suis-je tu aussi longtemps ?
    Parce que je croyais que mes origines,
    entachées par des crimes à jamais impardonnables,
    m'interdisaient d'exprimer cette vérité,
    d'oser reprocher ce fait à Israël,
    un pays dont je suis et veux rester l'ami.

    Pourquoi ne dis-je que maintenant,
    vieux, dans un ultime soupir de mon stylo,
    que la puissance nucléaire d'Israël
    menace la paix mondiale déjà fragile ?
    Parce qu'il faut dire maintenant
    ce qui pourrait être trop tard demain,
    et parce que nous, Allemands, avec le poids de notre passé,
    pourrions devenir les complices d'une crime,
    prévisible et donc impossible
    à justifier avec les excuses habituelles.
    Pourquoi je ne dis pas
    pourquoi ai-je tu pendant trop longtemps
    ce qui est pourtant évident
    et a fait l'objet de tant de simulations
    dans lesquelles nous, les survivants,
    sommes au mieux des notes de bas de page.

    On évoque le droit à une frappe préventive,
    l'éradication du peuple iranien soumis,
    tenu à une liesse sans joie par un fort en gueule,
    sous prétexte que ce potentat construirait une bombe atomique.

    Mais alors, pourquoi m'interdis-je
    de nommer cet autre pays
    qui dispose depuis des années,
    certes dans le plus grand secret,
    d'un potentiel nucléaire croissant
    et échappant à tout contrôle,
    puisque aucun contrôle n'est permis ?

    Le silence général autour de ce fait établi,
    ce silence auquel j'ai moi-même souscrit,
    je le ressens comme un mensonge pesant,
    une règle que l'on ne peut rompre
    qu'au risque d'une peine lourde et infâmante :
    le verdict d'antisémitisme est assez courant.

    Mais aujourd'hui, alors que mon pays
    coupable de crimes sans commune mesure,
    pour lesquels il doit rendre des comptes encore et encore,
    mon pays donc, dans un geste purement commercial,
    certains parlent un peu vite de réparation,
    s'en va livrer un nouveau sous-marin à Israël,
    un engin dont la spécialité est d'envoyer
    des ogives capables de détruire toute vie
    là où l'existence de ne serait-ce qu'une seule
    bombe nucléaire n'est pas prouvée,
    mais où le soupçon tient lieu de preuve,
    je dis ce qui doit être dit.

    Pourquoi me suis-je tu aussi longtemps ?
    Parce que je croyais que mes origines,
    entachées par des crimes à jamais impardonnables,
    m'interdisaient d'exprimer cette vérité,
    d'oser reprocher ce fait à Israël,
    un pays dont je suis et veux rester l'ami.

    Pourquoi ne dis-je que maintenant,
    vieux, dans un ultime soupir de mon stylo,
    que la puissance nucléaire d'Israël
    menace la paix mondiale déjà fragile ?
    Parce qu'il faut dire maintenant
    ce qui pourrait être trop tard demain,
    et parce que nous, Allemands, avec le poids de notre passé,
    pourrions devenir les complices d'une crime,
    prévisible et donc impossible
    à justifier avec les excuses habituelles.

    Je dois l'admettre aussi, je ne me tairai plus
    parce que j'en ai assez de l'hypocrisie de l'Occident
    et j'espère que nombreux seront ceux
    prêts à se libérer des chaînes du silence,
    pour appeler l'auteur d'une menace évidente
    à renoncer à la violence tout en exigeant
    un contrôle permanent et sans entraves
    du potentiel atomique israélien
    et des installations nucléaires iraniennes
    par une instance internationale
    acceptée par les deux gouvernements.

    Ce n'est qu'ainsi que pourrons aider
    les Israéliens et les Palestiniens,
    mieux encore, tous les peuples,
    frères ennemis vivant côte à côte
    dans cette région guettée par la folie meurtrière,
    et en fin de compte nous-mêmes.

    Je dois l'admettre aussi, je ne me tairai plus
    parce que j'en ai assez de l'hypocrisie de l'Occident
    et j'espère que nombreux seront ceux
    prêts à se libérer des chaînes du silence,
    pour appeler l'auteur d'une menace évidente
    à renoncer à la violence tout en exigeant
    un contrôle permanent et sans entraves
    du potentiel atomique israélien
    et des installations nucléaires iraniennes
    par une instance internationale
    acceptée par les deux gouvernements.

    Ce n'est qu'ainsi que pourrons aider
    les Israéliens et les Palestiniens,
    mieux encore, tous les peuples,
    frères ennemis vivant côte à côte
    dans cette région guettée par la folie meurtrière,
    et en fin de compte nous-mêmes.
     
    (Source Süddeutsche Zeitung)
    Traduction Michel Klepp 

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